[chapeau]Forrester est un cabinet d’analyse et de recherche américain de renom créé en 1983. Son objectif : analyser les impacts de la technologie sur les modèles économiques et l’organisation des entreprises. Jeudi dernier, Thomas Husson, VP et principal analyste (France), venait nous présenter à Lille la dernière étude Forrester, #MobileMindShift. L’occasion pour nous de revenir dans ce billet sur cet aspect stratégie mobile, sur lequel nous sommes amenés à accompagner de plus en plus d’enseignes.  [/chapeau]

I – Qu’est-ce que le Mobile Mind Shift ?

The Mobile Mind Shift est le terme marketing qu’a donné Forrester a l’un de ses 4 axes de recherche.the mobile mind shift

En anglais dans le texte, le Mobile Mind Shift (nouvel état d’esprit mobile), c’est “The expectation that I can get what I want in my immediate context and moments of need”.

Le mobile a non seulement changé la façon de vivre, de communiquer, mais aussi modifié les attentes des consommateurs. Il a reprogrammé leurs cerveaux.

C’est indéniable : nous sommes devenus dépendants du mobile, personnel et instantané. Le nombre moyen d’interactions mobiles par jour est de 125 pour Android, 150 sur iPhone (Source Forrester). Ces interactions, ce sont autant d’instants mobiles au sein desquels une marque peut venir s’insérer pour offrir un service plus contextualisé.

Ce changement a un impact majeur sur les entreprises. La question n’est plus « Dois-je créer un site mobile ou une application? ». La problématique est plus large. « Quel est le rôle du mobile dans l’ensemble du parcours des client de mon entreprise ? »

 

II – Déployer une stratégie mobile

Constat

« Soit vous saurez répondre à vos clients sur mobile, soit d’autres le feront à votre place.  » rappelle Thomas Husson.

Mais alors, quelles réponses apporter ? Quels impacts sur votre entreprise, son organisation interne, ses systèmes d’information, ses processus ?

Pour beaucoup d’entreprises, le mobile est encore considéré comme un canal additionnel. Tout le monde s’est rué sur l’App Store à son lancement, sans forcément réfléchir à la réelle valeur ajoutée pour l’utilisateur final, et encore moins aux enjeux stratégiques. Dans certaines entreprises, le trafic mobile n’est même pas analysé.

En France notamment, la lenteur d’adaptation au mobile des entreprises est flagrante. Le taux de pénétration des Smartphones est certes un peu plus bas qu’aux États-Unis ou dans d’autres pays européens, mais les attentes, elles, y sont les plus fortes. Il est donc d’autant plus important pour une marque française d’appréhender l’enjeu stratégique du mobile.

Réfléchir à partir du parcours client

Une marque n’a que quelques secondes pour convaincre un utilisateur. La réflexion doit donc se faire, non pas autour de la technologie, mais autour du parcours client et de ses instants mobiles.

Comme nous le répétons depuis plusieurs années, Forrester insiste sur l’importance de passer d’une stratégie « Shrink & Squeeze », qu’on observait particulièrement de 2005 à 2011, à une approche Mobile First, prenant en compte le parcours du client connecté. Pour un retailer, cela implique de comprendre que le m-commerce va bien plus loin que la simple notion de e-commerce sur mobile.

La méthode que Forrester recommande pour ce faire est baptisée IDEA.

  • Identifier les moments d’usage mobile (Journey Mapping)
  • Design de l’expérience mobile (Équipes projet en mode agile : Business, Designer, Développer)
  • Concevoir les plateformes, les process et les collaborateurs pour le mobile
  • Analyse : suivre la performance, améliorer l’UX, et recommencer.

IDEA Cycle : mobile strategy

 

C’est exactement la démarche que nous recommandons dans nos ateliers de stratégie mobile : partir de vos clients, identifier les moments d’usage mobile, imaginer les réponses possibles, les mettre en place via un MVP (produit minimum viable), pour ensuite analyser et itérer. Les meilleurs acteurs sont sur des cycles de déploiement d’un mois, voire moins. Loin des 6 mois de projet, auxquels nous sommes habitués en e-commerce.

Dans la mise en place d’une stratégie mobile, 2 éléments sont particulièrement à prendre en compte : les aspects contextuels, et les aspects de vie privée.

Contexte

Le contexte d’usage d’un dispositif mobile peut varier. Un contexte peut être un lieu (un magasin, un aéroport), un moment (avant un rendez-vous, au retour du travail). En fonction de ce contexte d’usage, un utilisateur a différentes attentes. En tant qu’entreprise, vous devez apporter une réponse adaptée sur mobile.

Ainsi, imaginons que vous soyez un distributeur avec un réseau de magasins physiques. Votre marque doit-elle apporter la même réponse à un client, quand il est dans vos magasins, ou quand il est dans les magasins de vos concurrents ? Ou quand il est chez lui ?

 

Contexte mobile retail

Intimité, Vie privée

Pour connaître le contexte d’usage d’un utilisateur, vous avez besoin d’accéder à ses données. Pour savoir qu’il est dans le magasin d’un concurrent, il vous faut avoir accès à ses données de localisation (capteurs). Pour savoir qu’il a bientôt un rendez-vous sur Paris, il vous faut avoir accès à son calendrier (API).

Se pose alors la question de la vie privée. Lors de notre visite de la NRF, nous vous avions parlé des 3 aspects différenciants quant à la capture de données : transparence, contrôle et réciprocité. Forrester insiste notamment sur la dimension transparence : il est nécessaire de passer d’une logique “big brother” a une logique “big mother”. Un utilisateur partagera volontiers ses données s’il en voit la contrepartie.

 

Quels moyens mettre en oeuvre ?

La mise en place d’une stratégie mobile nécessite l’implication de la direction, et une réelle gouvernance.

Bien sûr, on pourrait prendre les nouveaux acteurs mobiles en exemple : des entreprises comme Uber, Spotify, ou encore TripIt.

Mais les acteurs les plus avancés, ce sont aussi de grosses entreprises qui se sont réorganisées, et qui ont mis les moyens pour se transformer.

  • Une entreprise comme American Airlines a 80 employés techniques dédiés, temps complet au mobile.
  • InterActiveCorp, la maison mère de OkCupid, Meetic ou encore Match.com a lancé Tinder en 2012
  • En France, Axa a misé €800 millions au global sur sa transformation digitale, en créant un centre de formation.
  • McDonalds, pareillement, n’est pas en logique “pilote” sur le mobile. Un comité digital se réunit 5 heures, une fois par mois, présidé par le patron de McDonalds France. L’entreprise a formé des centaines de collaborateurs, franchisés et fournisseurs aux enjeux du digital.

Et plus spécifiquement, dans l’univers retail :

  • Home Depot a investit $1.5 milliards pour refondre ses systèmes d’engagement client, avec le mobile comme catalyseur central
  • Walmart, via Walmart labs, a racheté deux agences de développement mobile (Small Society, 2011 – TastyLabs, 2013)
  • Le CEO de Tesco disait « App development is going to be just as important as property development » : quelques mois plus tard, Tesco ouvre un nouveau campus digital, centré sur le mobile, à Londres

Pour conclure

Le mobile, nous en sommes tous convaincus, ce n’est pas qu’un terminal et des applications. Ce n’est pas qu’un canal supplémentaire. Le mobile va transformer les métiers de nombreuses entreprises. Le nouvel élément de différenciation va être la capacité de réponse des entreprises aux instants mobiles de leurs clients.
Pour être en mesure d’apporter ces éléments de réponse, il faut dans un premier temps oublier la technologie. Il est nécessaire que le mobile soit un sujet dans lequel les directions sont impliquées. La réflexion doit d’abord se faire autour des parcours clients : quels sont les moments mobiles, et déterminer la stratégie à suivre.